Marche en plein ciel

Publié le 6 octobre 2022, par Sylvie Hendrickx


ABOLIVIER Gwenaëlle, Marche en plein ciel, Le mot et le reste, 2022

Journaliste bourlingueuse et voix bien connue de France Inter, Gwenaëlle Abolivier a le don de nous embarquer avec elle que ce soit par la voie des ondes ou de son écriture. Pendant 25 ans, c’est en effet par le biais de grands reportages radiodiffusés qu’elle a partagé ses pérégrinations. Depuis quelques années, ses récits de voyage prennent une dimension plus littéraire. Au travers d’une écriture poétique très personnelle, ils s’orientent désormais vers une contemplation de la nature nourrie parallèlement par sa passion bien connue pour les écrivains voyageurs. Ainsi, après avoir exploré la vie de Blaise Cendrars en filigrane de son récit de voyage Vertige du transsibérien (Naïve, 2015), elle nous emmène, avec Marche en plein ciel, dans une traversée des Cévennes, sur les pas de l’écrivain irlandais Robert Louis Stevenson. Un siècle plus tôt et avant de devenir le génial auteur de L’île au trésor (1883), ce dernier a en effet arpenté ces hauts chemins de transhumance du centre de la France. Un périple qui s’est révélé initiatique et fondateur de son œuvre et dont Gwenaëlle Abolivier nous dévoile peu à peu le récit au fil de sa propre marche, curieuse de l’impact que le voyage peut avoir sur l’inspiration d’un écrivain célèbre. Cette passionnante incursion dans l’histoire littéraire ne constitue cependant pas le seul attrait de ce récit qui, en miroir, nous emmène au cœur d’une subtile narration de l’expérience présente vécue par la randonneuse. Par un sens aigu de l’observation et une langue à la fois précise, imagée et musicale, elle nous immerge de façon très sensorielle dans ces paysages sauvages. Par ailleurs, entreprise dans une France confinée, cette expérience essentiellement solitaire sur ces chemins de crêtes ouvre également un espace propice à une réflexion introspective et engagée face à l’accélération du monde. Marcher et écrire se révèlent dès lors deux formes de résistance qui s’allient dans ce récit pour nous inviter à repenser le rapport de nos sociétés au temps et aux espaces de liberté. Tandis que la lecture de ce récit de « slow travel » nous offre l’expérience, elle aussi émancipatrice, d’un ressourçant moment suspendu…