Sensibilisation au slam : de l’expression à l’émancipation

Publié le 7 janvier 2019, par Sylvie Hendrickx


Découvrir le slam en tant que pratique poétique et moyen d’expression, l’expérimenter par le biais d’ateliers d’écriture et de coaching scéniques et ainsi se familiariser avec ses spécificités en vue de concrétiser des projets d’animations en bibliothèque, tels furent les objectifs de deux journées de formation organisées par la FIBBC, en collaboration avec l’APBFB et la Maison de la Poésie et de la Langue française de Namur ; et prises en charge par Lisette Lombé, artiste belge, auteure, performeuse et formatrice.

Depuis quelques années, le slam connaît un regain de popularité en Belgique francophone. Ce mouvement fondé par le poète Marc Smith aux Etats-Unis au milieu des années 80 prône une pratique poétique vivante, qui « claque » - comme l’indique son appellation provenant d’une onomatopée - et vise à faire vibrer le public au travers d’un moment de partage. Ses règles simples et les valeurs de démocratisation culturelle qu’il véhicule font de cet art de la parole un outil très porteur pour les bibliothécaires et animateurs. En effet, non seulement cette pratique permet de joindre des publics parfois difficiles à rallier, mais également de sensibiliser par des chemins détournés à la poésie et, surtout, d’ouvrir de nouvelles perspectives d’expressions !

Dans les lignes qui suivent, vous pourrez prendre connaissance des orientations de cette formation qui, tout en correspondance avec l’esprit d’ouverture de la culture slam, a réuni des bibliothécaires, mais également des animateurs et d’autres médiateurs culturels, les lundis 8 et 15 octobre derniers à la Maison de la Poésie et de la Langue française de Namur.

Découverte du mouvement et documentation

Au moyen d’extraits vidéos entrecoupés d’échanges avec les participants, la formatrice invite à s’immerger dans différentes facettes de la culture slam. Cette première étape permet d’aborder l’histoire du slam et ses origines américaines mais aussi de contrer tout amalgame avec le rap et la culture hip hop. C’est également l’occasion pour les participants de découvrir l’ouverture et la diversité du mouvement à travers un panel d’artistes aux profils très variés.

Ateliers d’écriture

Mais quoi de mieux pour s’initier à une démarche artistique que de la pratiquer ! Plusieurs ateliers d’écriture rythment cette formation et sont orientés vers une thématique en lien avec le vécu de chacun : la mutation des métiers de bibliothécaires et d’animateurs. Ainsi, pour exemple, les participants sont amenés à écrire à partir de la phrase d’accroche « Un vent de changement souffle sur mon métier… ». Ils expérimentent alors le slam en tant que pratique poétique d’une grande liberté qui peut être, suivant l’angle d’approche choisi, intimiste ou engagé. Ainsi, certains se sont emparés de cette accroche pour livrer leur ressenti personnel fait d’enthousiasme ou de difficultés face à de nouvelles missions tandis que d’autres ont choisi de se positionner par rapport à différents enjeux tels que le numérique.

Poésie et oralité

L’écriture d’un texte slam ne peut cependant jamais être détachée de sa finalité : le partage avec le public ! Pour tendre vers l’oralité nécessaire au slam, la formatrice travaille avec les participants sur une indispensable recherche poétique au niveau des sonorités (rimes, assonances…) et du rythme (énumération, répétition, saturation…) de leurs écrits.

Coaching scénique

Chaque atelier d’écriture est suivi d’un partage des textes et d’un échange entre participants dans une optique de co-construction de bonnes pratiques en prise de parole poétique. En effet, le slam, en tant que parole performée, tire vers les arts de la scène. Une série d’exercices liés à la voix, l’ancrage, la respiration, le regard ou encore la gestuelle aident chacun à cheminer dans sa pratique afin de transmettre au mieux son texte au public. En fin de parcours, la formatrice échange également avec les participants autour de cette question primordiale : en tant que professionnel, quels moyens puis-je utiliser pour favoriser la prise de parole et l’expression des publics que j’accompagne ?

Le micro-ouvert

Lors du partage des textes poétiques, les participants expérimentent sur scène une dimension essentielle du slam : le micro ouvert. Ce type d’événement est constitutif du mouvement depuis ses débuts et matérialise son idéal de démocratisation. En effet, au cours de ce rassemblement, les slameurs vont monter sur scène chacun à leur tour pour livrer une performance qui répond aux trois règles de base du slam, à savoir : un texte personnel, livré a cappella et d’une durée maximale de trois minutes par respect pour le temps de parole de chacun. Au sein de ce dispositif, le public est à la fois spectateur et acteur, ce qui induit une bienveillance et une démarche d’authenticité propice à l’expression et à l’émancipation.

La place des femmes dans le mouvement

Au regard de cet idéal de démocratisation, au fondement même du mouvement slam, toute personne ayant écrit un texte doit pouvoir monter sur scène pour le partager. Dans les faits, on constate cependant que peu de minorités participent aux micro-ouverts et que les femmes y sont également peu représentées. La formatrice évoque sur ce point le travail de l’asbl L-Slam qui aborde la question de la place de la femme dans le mouvement slam à partir de données précises et invite les participants à réfléchir à la scène slam en tant que prolongement des réalités de notre société. En contrepoint de cette situation, la formatrice souligne l’importante féminisation du mouvement. Partout en francophonie, des femmes lancent le mouvement en lien avec la défense de leurs droits.

Conclusion

Au terme de ces deux journées, les bibliothécaires et les animateurs se sont familiarisés avec une forme d’expression à la fois très libre et très créative mais aussi très technique tant au niveau de l’écriture du texte et du travail de la langue qu’au niveau de la déclamation et du travail de mise en voix. Les participants ont apprécié la méthodologie active mais aussi la riche personnalité de la formatrice qui a conféré à ces échanges un subtil et très productif mélange de professionnalisation et de convivialité. Ces éléments ont permis à certains de surmonter d’éventuelles appréhensions mais, surtout, ont fourni à chacun des assises et une assurance nouvelle pour mener à bien des projets d’expression avec leurs différents publics.