Mémoires d’un esclave

Publié le 10 juillet 2012, par Françoise Vanesse


Une figure emblématique de la lutte abolitionniste noire américaine rapporte son incroyable épopée, une libération par la volonté et l’apprentissage de la lecture.

Frederick Douglass, Mémoires d’un esclave, LUX, 2010

Voici donc un texte d’exception né sous la plume de Frederick Douglass, le premier esclave noir devenu homme politique, philosophe, écrivain, homme de presse et militant abolitionniste de premier plan. Ces lignes édifiantes et attachantes qu’il nous livre après sa fuite et son passage au nord en 1838 non seulement relatent avec précision et détails les conditions dans lesquelles sévissait l’esclavagisme dans les Etats du Sud, mais surtout mettent en lumière ce déclencheur de liberté et d’émancipation qui, plus que jamais sous la plume de l’auteur, nous apparaît comme l’instrument le plus merveilleux au monde : l’apprentissage de la lecture ! Et en effet, c’est avec beaucoup d’émotions que l’on suit le parcours du jeune Frederick Bailey et que l’on perçoit sa soif inextinguible de connaître, sa détermination à apprendre à lire et à écrire. Convaincu qu’il s’agit là de son ultime planche de salut, il a recours à une panoplie de subterfuges pour y parvenir.

Il y a quantité de raisons d’élire ce texte libérateur en coup de cœur ! Premièrement, ce récit rédigé il y a plus d’un siècle et demi n’a pas pris une ride : le style est résolument moderne, servi par une puissante rhétorique et beaucoup d’inspiration qui lui confèrent une grande originalité. Deuxièmement, il ravive un épisode sombre de l’histoire, trop souvent méconnu des jeunes voire complètement tombé dans l’oubli et sur lequel il n’est pas vain de revenir pour ne pas tomber dans une forme possible de négationnisme. Enfin et surtout, il questionne les nouveaux visages de l’esclavage aujourd’hui et rappelle que ce combat est loin d’être gagné. En ce moment même, vingt millions d’adultes sont soumis à l’esclavage traditionnel, en Asie du Sud, Afrique, Amérique du Sud, notamment par l’entremise d’un système de remboursement de dettes qui permet à des créanciers de maintenir en servitude des familles entières parfois durant plusieurs générations. A ce nombre, il faut encore ajouter deux cent cinquante à trois cent millions d’enfants exploités par le travail ou la prostitution, soumis à des conditions très proches de l’esclavage. Un texte à proposer sans délai aux jeunes afin de rappeler l’urgence de résister…

En guise de conclusion, cette petite anecdote ! On raconte qu’un étudiant vint trouver Douglass au soir de sa vie pour demander au célèbre vieil homme ce qu’il devait faire de son existence. Douglass se serait levé et aurait déclaré de toute sa grandeur : « Agitate ! Agitate ! ».