Le début d’année 2015 a été, sans conteste, marqué par des attentats d’une rare violence perpétrés au cœur des cités et dans lesquels la liberté d’expression a été foulée aux pieds, tout comme une série de valeurs du monde occidental. On reste sans voix face à cette vague destructrice générée par de jeunes hommes formés dans des établissements scolaires occidentaux et qui se sont radicalisés perdant tout point de repères, tout esprit critique et d’analyse, tout respect des valeurs fondamentales de l’espèce humaine. De rupture en rupture (sociale, économique, éducative et culturelle) auxquelles se sont superposées les discriminations qui leur correspondent, ils se sont refermés sur eux-mêmes. Pour eux, impossible de penser, de réfléchir, de parler, de comprendre ce qu’est un débat d’idées et qu’il n’est dès lors nul besoin de tuer ceux dont les idées nous déplaisent puisqu’il est possible de leur opposer d’autres idées, de discuter, d’échanger…
Protéger, valoriser, faire évoluer, c’est une des tâches prioritaires de l’école et des bibliothèques. Elles sont aujourd’hui nos meilleures armes contre les kalachnicovs.
Le livre et l’écrit sont malheureusement également victimes de cette haine.
Il y a 75 ans, les nazis brûlèrent d’abord des livres avant de brûler des juifs. Aujourd’hui à Mossoul, en Irak, ce sont plus de 8.000 livres anciens du 17ème au 18ème siècle (et certains vieux de plus de 7.000 ans) qui ont été brûlés par des fanatiques parce qu’étant des œuvres impies et relevant du temps des idoles. Au Cameroun, la secte BOKO HARAM (= détruire (haram) le livre (boko)) qui vient de faire alliance avec l’E.I. – Etat Islamique (responsable des derniers nouveaux massacres) porte un nom indiquant bien leur projet…
Dix-sept morts sur Paris pour des caricatures mais surtout une liberté de penser et de créer que l’on veut assassiner. Moins grave, un autre exemple en France, mais qui doit nous interpeller : dans des municipalités gérées par des majorités d’extrême droite, les livres qui s’écartent de ce que devrait être la pensée politique dominante ont été retirés des rayons des bibliothèques.
Dans nos institutions, nous devons être les remparts face à cette négation de certaines de nos libertés fondamentales et nous considérer comme les plus acharnés défenseurs du pluralisme interne de nos collections. Nous avons construit des bibliothèques comme des lieux de mémoire collective, de dialogue, des bibliothèques mettant la rencontre au cœur du projet. Plus que jamais, nous devons être attentifs à ces missions en ce temps où l’obscurantisme tente un certain nombre de populations jeunes en difficulté d’intégration et mal de vivre. Des temps où l’emploi est plus que jamais précaire, où la crise tombe sur une bonne partie de la population.
Des livres pour la vie, des livres pour se construire dans le respect de l’autre et en s’enrichissant de la pluralité des points de vue. Voilà ce que nous devons mettre à disposition de tous les utilisateurs de nos infrastructures.
Il faut réapprendre à rejeter la pensée unique, à multiplier les avis pluriels, à ne pas prendre pour argent comptant tout ce que l’on nous dit, à réintroduire le doute dans nos certitudes péremptoires. En un mot, veiller à permettre à des citoyens critiques et responsables de se développer autour de nous.
Jean-Michel DEFAWE
Président
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