Le jour avant le bonheur

Regards croisés sur... Nos coups de coeur

Publié le 23 septembre 2010, par Gérard Durieux


Le récit d’une merveilleuse relation qui nous permet à nouveau d’être touchés par la grâce magistrale de cet écrivain et de nous laisser emporter par ces pages lumineuses et fortes comme les ressacs de la mer.

DE LUCA Erri, Le jour avant le bonheur, Gallimard, 2010

Nous avons déjà avoué ici un attachement certain pour cet auteur au verbe secrètement empreint d’hébreu biblique, à l’homme militant amoureux des cimes. C’est donc avec un bonheur renouvelé que l’on retrouve dans son dernier ouvrage le grain de son écriture sans ornement, de sa langue charnelle et dense d’images, de dits locaux et de sagesse ancestrale. L’enchantement de Montedidio se prolonge...

Au fil de cette fable ou chronique (?), le narrateur se souvient de son enfance orpheline dans la Naples des marins, des trafiquants, des résistants et des collaborateurs. Ville marquée par la guerre récente, menacée par la dérive fasciste, saturée de lumières et d’ombres, où le soleil et la mer rivalisent de connivence et de violence. Au cœur du chaos, l’enfant va grandir à l’ombre conjointe de l’école, du libraire Raimondo qui lui prête des livres et de Gaetano, gardien d’un vieil immeuble.

Ce récit de simple apparence mais aux multiples résonances, ces mots de rien, distillent avec grande humanité l’histoire d’une appartenance viscérale à un peuple de feu et à une terre initiatrice, omniprésente dans ce texte de vivant qui fait mémoire de ses racines et d’une nature magnifiée dans l’Argentine de son exil. Avec l’évident plaisir immémorial de raconter.

C’est aussi et surtout le récit d’une merveilleuse relation : grâce à la présence d’une figure paternelle attachante, un enfant « fils de personne » devient un homme. L’un transmet la vie, l’autre apprend l’amour dans les larmes et le sang. De récits en parties de cartes, entre tourments et éblouissements, l’initiation vient s’accomplir dans l’ultime geste d’affection qui ouvrira l’adolescent à l’écriture et au vaste monde : « Je dois t’apprendre et je dois te perdre ».

Touchés une fois encore par la grâce magistrale de cet écrivain fils du Vésuve, pareils à l’orphelin sans nom du roman, nous irons à nouveau « puiser la lumière » dans ses pages fortes comme les ressacs de la mer. Da capo !