Le goût de l’autre

Publié le 20 février 2012, par Gérard Durieux


Dans ces pages contagieuses d’enthousiasme, l’auteure revisite le sens même de l’économie et prône l’instauration de moteurs de croissance inédits basés davantage sur la création de liens.

LASIDA Elena, Le goût de l’autre, Albin Michel, 2011

La conviction de ce professeur d’économie à Paris est forte : l’heure de vérité a sonné. Le modèle capitaliste actuel, fondé sur une financiarisation généralisée, est aujourd’hui en crise et mis en cause. Mais cette fragilité qui menace, assure l’auteure, est aussi une chance pour réinventer le lien social.

Ce rêve d’un nouveau possible, Elena Lasida en balise les chemins avec une conviction contagieuse et l’enthousiasme de la femme compétente et engagée qu’elle est. Car pour elle, les crises actuelles nous engagent à revisiter le sens même de l’économie toute-puissance, indispensable pour les uns, diabolique et tyrannique pour les autres.

Au fil d’une dizaine de chapitres, l’économiste déplace radicalement notre regard de profanes, en présentant l’économie tour à tour comme un lieu de vie créatrice, une alliance à tisser et une communauté à construire ; comme une promesse à entendre le symbole d’un nouveau possible et un lieu d’utopie. Son propos vigoureusement humaniste s’appuie notamment sur l’exploration informée de perspectives nouvelles plus soucieuses de créer des liens que de produire des biens.

Ce travail a la précision et la clarté pédagogiques du professeur qui débroussaille et ouvre de nouveaux horizons sur les pauvretés, la solidarité, les modèles théoriques… Certes, certains lecteurs pourront être dérangés par le croisement de plusieurs univers de sens très différents : parfois elle fait appel à sa riche expérience de terrain, parfois elle confronte sa réflexion d’économiste avec l’apport de ses connaissances théologiques. Pour notre part, c’est cette capacité même à mettre en relation différents lieux de parole qui confère au travail son intérêt indéniable. L’économie n’est pas une sphère autonome par rapport à l’expérience sociale, ni le domaine réservé de quelques experts. Elle concerne la gestion de notre « maison commune ».

Lecture faite de ces pages décapantes et stimulantes, mon regard citoyen s’en trouve assurément plus large, plus positif, rendu plus attentif à la réalité, jusqu’ici un peu lointaine, d’enjeux trop théoriques. Et en tout cela un gain nouveau : le « goût des autres » ! En somme, une bien belle lecture de vacances.

Gérard Durieux