La Classe

Publié le 13 octobre 2013, par Sylvie Hendrickx


Se dire pour se construire ! Une expérience d’écriture initiée par l’écrivain Marie Desplechin avec une classe de jeunes en difficulté scolaire.

DESPLECHIN Marie, La Classe, Editions Odile Jacob, 2013

Au cours de l’été 2012, les lecteurs du journal Le Monde ont pu découvrir chaque semaine dans leur supplément « Culture et Idées » le portrait d’un élève du collège Paul Verlaine de Lille, un établissement scolaire dit « des quartiers ». Aujourd’hui, ces dix récits de vie en « je » et vingt-quatre autres se trouvent réunis dans un ouvrage paru chez Odile Jacob et sobrement intitulé « La classe ». Marie Desplechin, auteur de romans et de livres jeunesse, y revient sur la genèse et les coulisses d’une expérience d’écriture inédite, à la fois pédagogique et profondément humaine, jalonnée d’enthousiasmes mais aussi de nombreux doutes et tâtonnements. Comment, en effet, faire entendre la voix d’une jeunesse largement stigmatisée ou ignorée, le plus souvent en butte avec la langue et l’écriture ? Pendant cinq mois, au cours de séminaires-ateliers, l’écrivain a fait se rencontrer deux publics que tout semble opposé, les élèves d’un collège « défavorisé » et des étudiants en Master à Sciences Po Lille. Dans une relation de « parrainage », ces jeunes ont réalisé des « autoportraits à deux ». Au fil des entrevues, chaque collégien de la classe a ainsi confié sa vision de la vie (rapport à l’école, à la famille, rêves d’avenir…) à un aîné de sciences Po qui tout en se laissant guider dans la rédaction apportait avec lui un bagage de savoir-faire en expression écrite.
Sous l’apparente simplicité de l’exercice, c’est à un travail tout à fait inhabituel de la langue auquel ont été confrontés les étudiants de Sciences Po. Comment allaient-ils s’approprier la vie, l’image de l’autre, le souffle de sa voix et le rendre fidèlement ? On découvre émerveillé en parcourant ce recueil combien ils ont su relever le défi ! Chaque portrait révèle son langage coloré, tantôt rude tantôt touchant, déroutant… en chaque cas unique, pudique, irrésistible. Et tandis que se livrent à nous les espoirs, les joies simples, les révoltes et opinions d’une voix singulière, nous nous trouvons étrangement confrontés tant à l’autre qu’à nous-mêmes à travers la familière et tendre humanité des portraits confiés.