J’ai longtemps eu peur de la nuit

Publié le 5 janvier 2017, par Sylvie Hendrickx


Par le biais d’un atelier d’écriture, Arsène est confronté à son passé enfoui d’orphelin déraciné par la guerre.

GHATA Yasmine, J’ai longtemps eu peur de la nuit, Robert Laffont, 2016

Depuis La nuit des calligraphes, premier roman qui l’a fait connaître en 2004, l’auteure française d’origine libanaise, Yasmine Ghata, ne cesse d’explorer les thèmes de la transmission familiale et de la puissance de l’acte d’écriture. Elle y revient dans ce cinquième roman donnant la parole à Suzanne, une animatrice d’atelier d’écriture. Lorsque celle-ci propose à une classe de lycéens d’apporter un objet révélateur de leur histoire familiale, elle ne se doute pas qu’elle confronte le jeune Arsène à une rude épreuve. En effet, unique rescapé du massacre des Tutsis perpétré dans son village du Rwanda, l’adolescent discret ne possède qu’un objet : une vieille valise déformée qui ne paye pas de mine et qui lui a pourtant sauvé la vie, quelques années plus tôt, lorsqu’il a fui son pays. A huit ans à peine, seul sur les routes, il a trouvé réconfort à tenir la « main » de cette unique compagne qui l’a abrité et protégé de ses terreurs nocturnes, des bêtes sauvages et des intempéries. Suzanne, peut-être parce qu’elle se trouve à un tournant de sa vie où le propre deuil de son enfance résonne en elle, perçoit le lien fusionnel qui relie le jeune homme à cet objet et parvient à tisser avec lui une relation particulière. Confidente de ses souvenirs terribles, elle l’aide à accoucher de ce passé trop lourd à porter. A travers les mots d’un enfant, emplis d’innocence et de douleur, Yasmine Ghata livre le texte fort, tout en retenue et délicatesse, d’une rencontre libératrice autour de l’acte d’écriture.