Effacement de Dieu. La voie des moines-poètes

Publié le 6 janvier 2014, par Sylvie Hendrickx


Un parcours lumineux sur les traces poétiques et spirituelles de quelques moines-poètes d’hier et d’aujourd’hui

RINGLET Gabriel, Effacement de Dieu. La voie des moines-poètes, Albin Michel, 2013

Au cœur des monastères, hommes et femmes vivent l’expérience radicale du silence, de l’effacement, à commencer par celui de ce Dieu « présent-absent » à qui ils ont choisi de consacrer leur vie. Dans ce contexte extrêmement poétique où l’intense côtoie le dépouillement, rien d’étonnant, nous dit Gabriel Ringlet, à ce que la poésie, cette parole à la limite du dicible, soit apparue pour nombre d’entre eux comme une voie privilégiée dans l’approche des mystères d’un Dieu retiré du monde. En ouverture de ce livre, l’auteur, homme de Dieu et homme de Lettres, revient aux racines de cette affinité particulière qui lie sensibilité poétique et spirituelle dans l’histoire monastique : des Pères du désert aux grands mystiques des siècles derniers. Mais c’est à la profonde actualité de cette alliance qu’il nous convie ensuite de goûter à travers la poésie toute contemporaine de six moines-poètes : six voix, souvent méconnues, que l’auteur nous rend profondément incarnées et proches par une alternance de leurs textes poétiques et de leurs réflexions personnelles sur l’art, sur Dieu ou tout simplement sur la vie. De la poésie-joie d’un professeur de théologie qui « jette sur le monde un regard de relèvement » à la poésie-souffrance d’un prieur longtemps aumônier d’hôpital en passant par la poésie incandescente d’une contemplative ou celle simple et touchante du plus jeune moine martyr de Tibhirine ; Gabriel Ringlet nous ouvre aux multiples possibles que peuvent offrir vocations poétiques et monastiques lorsqu’elles s’unissent, avec une étonnante modernité, dans une expression existentielle. Au fil des pages de cet ouvrage, Gabriel Ringlet réussit le tour de force de nous transmettre avec légèreté et moments de grâce un travail poétique érudit dont le propos toujours riche ne s’impose jamais mais propose, au contraire, de cheminer aux côtés de ces moines « priant une plume à la main » un Dieu qui s’efface pour mieux les rencontrer.