Publié le 24 novembre 2008, par
Un portrait de lecteur peint avec talent, doigté et humour par cette sérieuse éditrice, aquarelliste de surcroît...
Pour le plaisir, déguster d’une traite, avec la boulimie et l’autisme du « lecteur en apnée », cette « biobiblio » jubilatoire d’une camée de bouquins. Puis, pour prolonger et décupler la jouissance, relire au petit bonheur des entrées de cet abécédaire désordonné, la cinquantaine de textes vifs, ciselés, offerts en miroir à notre addiction majeure.
Et sourire de ses manies, de ses (nos) rituels paranoïaques, de parti pris (marque-pages ou pages cornées ?), d’allergies ou d’obsessions qui nous renvoient à notre propre pathologie de liseurs.
Bref, nous reconnaître - fierté ou confusion- dans ce portrait que brosse avec humour et talent notre très sérieuse éditrice d’essais historiques et sociologiques. Aquarelliste de surcroît. Alors saluer la connivence intelligente que distillent ces pages de « gai savoir ». Et nous réjouir que ce petit volume salubre et tonique avoue sa parenté d’esprit avec le presque classique Comme un roman de Pennac.
Chaque rubrique foisonne aussi de dizaines de références égrenées comme autant de suggestions de lecture. Mais, comme si elle compatissait soudain à « l’effroi » qui nous étreint devant ces tentations en cascade, la cruelle se fait complice en avouant son inculture, sa peur des « chefs -d’œuvre » : « Une sainte trouille me saisit avant l’immersion ». Et en vient même à délivrer, au cœur de sa « folie », le propos de sagesse qui console et absout : « A chacun, chaque jour, son rythme. Et que nul ne s’en mêle ni ne juge ». Roboratif.
En contrepoint à cette exploration ludique de la « tribu des bouquineurs », la Petite philosophie du lecteur (Milan 2008) de Frédérique Pernin propose également sous forme d’abécédaire une série de regards obliques sur l’étrange passion de lire.
D’ « Affinités » à « Zoïle » en passant par « Hypnose » cette agrégée de philosophie nous entraîne dans un parcours aussi passionnant qu’accessible. Fondées sur les grandes œuvres classiques, ses réflexions explorent le plaisir démiurge que le lecteur partage selon elle avec l’écrivain : « le plaisir de voir l’ordre naître du chaos et d’accompagner cette naissance ».
Ou l’art de ne pas lire idiot.
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