Publié le 9 avril 2014, par
,Se promener, avec des adolescents, au creux des nombreux chemins de création qui composent l’étrange pays de René Magritte ; les sensibiliser à cet univers « détonnant » et, en dialogue avec les œuvres du célèbre artiste, les inviter à devenir à leur tour des créateurs de mots et d’images poétiques et surréalistes abrités dans un livre entièrement personnalisé : tels furent les objectifs de ce projet mené par les Ateliers de la Bibliothèque du Centre Multimédia Don Bosco au cours de l’année scolaire 2013-2014, avec une classe de 2e accueil de l’Institut Don Bosco de Liège en collaboration avec leur enseignante d’éducation artistique.
Que l’on aime ou pas l’univers de Magritte, celui-ci constitue, sans conteste, un tremplin presqu’idéal pour plonger dans les eaux vives de la création ! Car non seulement ses œuvres interpellent d’emblée le spectateur, posent questionnements et réflexions, amusent et font sourire mais surtout suscitent l’envie de créer de façon quasi évidente et naturelle. C’est donc dans cet esprit de découverte et munies d’un guide très explicatif réalisé par l’auteure Béatrice Libert, que nous avons convié cette classe de jeunes à cette balade poétique.(1) Fidèles au livre qui nous a inspirées, nous avons intitulé cette randonnée particulière « Au pays de René Magritte ». Concrètement, à l’occasion de différents ateliers d’écriture programmés en dialogue avec leur enseignante d’éducation artistique, Cloé Bauret, les jeunes ont finalisé un livre composé de différentes pages sur lesquelles prennent vie leurs créations littéraires, graphiques et picturales. Toutes sont nées sur base de l’observation et du dialogue avec différentes œuvres du peintre : personnages étranges, objets insolites, associations surprenantes, phrases bizarres qui peuplent cet étonnant pays surréaliste.
Pour cette première prise de contact avec la démarche de Magritte, nous avons choisi de présenter au groupe l’album Qui est/Who’s René Magritte ? signé par Hélène Lecocq et paru en 2009 aux éditions Alice Jeunesse.(2) Ce livre, très ludique, permet d’immerger le lecteur d’images dans l’œuvre de l’artiste par un procédé simple mais percutant : il offre au regard un certain nombre de peintures de Magritte en dévoilant d’abord un élément isolé de celles-ci qui, replacé dans son contexte pictural à la page suivante, prend tout à coup sa dimension mystérieuse. L’ouvrage permet ainsi de mettre en évidence la surprise que les tableaux de Magritte suscitent en nous par la subversion d’éléments du réel transformés ou situés dans un contexte inattendu. Cet album, couplé de nombreuses reproductions d’œuvres sélectionnées, parvient à bien intégrer l’univers de l’artiste.
Au moyen de diverses techniques (écoline, pastel gras, sel, acrylique, colle...), les adolescents sont ensuite invités à revisiter le thème du ciel exploité par Magritte dans le tableau La Grande famille : ciel de jour avec toutes ses nuances, ses jeux de couleurs et de lumières pour constituer l’élément « oiseau » du tableau et ciel de nuit pour le fonds puis, enfin, l’élément « mer » dans un travail de recherche de texture. Chaque jeune obtient ainsi une peinture composée de nombreux contrastes « à la manière de Magritte » qui joue très souvent au sein de ses tableaux sur l’union des contraires (ciel de jour/ciel de nuit). Côté écriture, les élèves travaillent à partir de la phrase très simple « L’oiseau [vole dans] le ciel ». Ils substituent d’autres verbes d’action à la partie de la phrase placée entre crochets, de manière à créer un étonnement surréaliste. D’autres éléments peuvent ensuite être remplacés (synonyme du mot « oiseau », terme « ciel » remplacé par un autre élément de la peinture qu’il s’agisse de la mer, la plage, le sable, ou la nuit…) de manière à créer des phrases de plus en plus inédites. Cette activité de variation structurale (1) peut apparaitre très simple, elle est cependant très propice à faire comprendre aux élèves la démarche d’élévation poétique.
Au pays de Magritte, j’ai rencontré un oiseau qui picore le ciel (Priscilla)
Un oiseau qui prie pour l’obscurité. (Rashida)
Un oiseau qui cambriole la plage. (Priscilla)
Pour cette troisième rencontre, nous avons opté pour un travail au départ de l’autoportrait, si cher au grand peintre ! Chaque élève enfile à tour de rôle une chemise blanche, une cravate noire et le chapeau melon emblématique de ses personnages et est photographié devant un grand fond « ciel bleu et nuages » peint au préalable par le groupe. Ensuite, au départ de cette photo, chaque jeune réalise un collage surréaliste en ajoutant un objet insolite au cœur du visage. La banque d’objets à coller est constituée après une réflexion des élèves sur eux-mêmes au travers d’un atelier d’écriture articulé sur le thème « Si j’étais un objet, je serais… ; si j’étais un légume, je serais… . » Enfin, au niveau de l’écriture, les jeunes construisent une phrase sur base de trois éléments : une partie réelle du visage, un verbe de communication dont nous dressons ensemble une liste non exhaustive et l’objet surréaliste qu’ils ont choisi pour leur collage.
Au pays de Magritte, j’ai rencontré des yeux qui plaisantent avec le cœur d’une salade (Souhaila)
Pour cette animation, nous travaillons au départ du thème de la porte, de l’ouverture, également très présent dans l’œuvre de Magritte. Les élèves réalisent un paysage à la gouache sur lequel ils collent une illustration de porte laissant apparaître par une brèche découpée le nouveau paysage en guise d’horizon. Au niveau de l’écriture, les jeunes sont invités à choisir entre trois amorces de phrase : Un passage ouvert sur …, un chemin ouvert sur… ; l’horizon ouvert sur… . Ensuite, ils complètent le début de phrase choisi par un élément du paysage qu’ils ont peint (colline, ciel…) suivi d’un adjectif qui exprime leur humeur. Les jeunes réalisent ainsi une phrase à dimension surréaliste par l’attribution d’un adjectif humain à un élément de paysage inanimé.
L’horizon ouvert sur les prés pessimistes et des forêts déçues (Priscilla)
Au cours de cette animation, les élèves sont invités à réaliser deux œuvres collectives : un cadavre exquis poétique et un cadavre exquis graphique. Pour réaliser leur créature étrange, les élèves reçoivent chacun une feuille blanche qu’ils plient en quatre. Sur le premier espace, chacun dessine une tête. Pour les inspirer, l’enseignante a photocopié toute une série d’illustrations de styles divers (manga, monstre, momie, sumo…). La tête réalisée est prolongée par deux traits dans le second espace de manière à ce que l’élève suivant sache où il devra dessiner le tronc. Ainsi de suite pour les jambes et les pieds. Chacun récupère ensuite la feuille où il a dessiné la tête et découvre l’entièreté du personnage réalisé par trois autres élèves. Même technique pour l’écriture. Au cours de cette animation, les jeunes ont bien intégré l’effet de surprise mis en évidence par cette technique, bien connue mais toujours très amusante.
Dans un café, une clé boit une porte. (Souhaila)
Dans la toilette, une jeune fille glousse comme un soleil (Moïse)
Dans une maison, un monstre poilu ressemble à une tasse de café (Corentin)
C’est par ces cadavres exquis, emblèmes de l’écriture surréaliste, que se termine ce livre composé des réalisations des élèves scannées et imprimées sur papier photo puis collées sur feuilles blanches de format carré. Le livre est entièrement cousu et relié par les jeunes qui sont initiés à la technique de la reliure japonaise. Le livre est très surprenant, beau et vivifiant. Une seule interrogation subsiste. S’agit-il bien d’un livre ?
Françoise Vanesse et Sylvie Hendrickx
(1) Le livre qui nous a guidées pour concevoir notre projet est l’ouvrage de Béatrice LIBERT, Au pays de Magritte. Regarder, lire, écrire, créer, Collection « L’Horizon délivré », Editions Couleur livres, 2009. Publié dans la collection « L’horizon délivré », destinée aux enseignants et parents qui veulent faire découvrir la poésie et la littérature à leurs enfants, ce livre immerge, de façon très didactique au cœur de l’univers de l’artiste et explore de nombreuses pistes de créativité écrite et graphique.
(2) Hélène LECOCQ, Qui est/Who’s René Magritte ?, éditions Alice Jeunesse, 2009.
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