Asbl « Le Courant d’air » à Bressoux (Liège). Aires de créativité et poumons de papier au service de l’insertion

Publié le 31 mars 2016, par Sylvie Hendrickx


Pousser les portes de cette structure, c’est rencontrer…

Une mosaïque très active

Bressoux-Droixhe, un quartier de la ville de Liège qui concentre une proportion très importante de population étrangère, une majorité de jeunes en dessous de vingt ans et une forte présence de public belge en grande précarité. Dans ce contexte où vit un taux élevé de familles socio-économiquement fragiles, il est évident que le travail des associations de terrain luttant contre l’exclusion et visant l’émancipation citoyenne est primordial. C’est précisément avec une association particulièrement active et ancrée depuis plus de vingt-cinq ans à Bressoux, l’asbl « Le Courant d’air », à la fois bibliothèque de rue, école de devoirs et CEC, que nous avons rendez-vous. Il est 14h30’ et, bientôt, les enfants des deux écoles avoisinantes, qui ont la grande chance d’être inscrits dans cette structure saturée par la demande, vont arriver. Déjà, les personnes volontaires, responsables de l’animation parascolaire préparent le goûter. Dans l’allée qui jouxte les locaux, une maman interpelle l’animatrice ; on bavarde, on échange, on ressent une importante proximité et beaucoup d’empathie. Cette attente est aussi l’occasion d’admirer les fresques réalisées dans le cadre du CEC, partie visible de l’iceberg de cette asbl qui, telle une mosaïque, déploie une panoplie de projets afin de toucher un maximum des différents publics qui composent le tissu culturel local.

Une bibliothèque, racine de l’asbl

Nous pénétrons dans le petit local où nous accueille l’animatrice qui nous présente d’emblée le projet-racine de la structure, il s’agit de la bibliothèque de rue. « Au départ, c’est un frère franciscain et une habitante du quartier qui ont décidé d’aller raconter des histoires dans la rue afin de toucher un public éloigné de la lecture", explique notre interlocutrice, Sophie Baudoin, responsable pédagogique des activités avec les enfants. "Ils s’installaient à deux endroits clés du quartier en termes de fréquentation et de passage, dont l’un situé en dessous d’un tunnel de chemin de fer. C’est l’important courant d’air qui régnait dans cet endroit qui a donné son nom à notre association ! " Il est remarquable de constater que cette activité se poursuit toujours aujourd’hui et ce, aux mêmes endroits. Ainsi, chaque samedi après-midi, été comme hiver, une équipe principalement bénévole remplit deux chariots de livres, embarque tabourets en plastiques, couvertures et parfois petites tentes pour aller à la rencontre des publics, enfants mais également ados et adultes.

Une bibliothèque, comme un appel d’air

Véritable bibliothèque hors les murs avant la lettre, ce projet lié au prêt de livres dans les rues et à l’organisation de lectures à voix haute constitue le poumon de l’asbl, celui qui oxygène, orchestre et nourrit la démarche. Car il permet d’entrer en contact avec les publics les plus précarisés, éloignés souvent de toute socialisation, sans accès à la lecture et à la culture. Parmi ceux-ci, le public belge précarisé qui, plus que les autres, a tendance à se cacher, à avoir honte et se « victimiser » sans oser demander du renfort. La bibliothèque de rue permet d’établir le contact et d’intégrer ces personnes aux multiples et diverses activités proposées par l’association dont l’école de devoirs et le CEC. Car la créativité, développée également dans le cadre de cette bibliothèque de rue, permet, tout comme la lecture, d’instaurer confiance et fidélisation. « Parfois, nous invitons les enfants à illustrer l’histoire qu’ils ont préférée, à l’aide de craies, sur les trottoirs. Par cette approche simple, nous arrivons à intégrer à nos autres activités des personnes en demande. Un travail sur la confiance, qui prend du temps, parfois plusieurs années  », conclut l’animatrice.

Une école de devoirs, pour sortir de la spirale

S’en sortir… Précisément, comment sortir de la spirale infernale de la pauvreté et de l’exclusion qui se répète, parfois, de générations en générations pour certaines familles belges ? C’est le défi que tente de relever « Le Courant d’air » en mettant sur pied son école de devoirs qui, par sa manière de fonctionner et ses objectifs bien spécifiques, occupe une place quelque peu atypique au sein l’Association des Ecoles de Devoirs de la Province de Liège (AEDL). Premièrement, le travail en individuel, rendu possible grâce au nombre important de bénévoles. D’autre part, une attention particulière qui est accordée au parascolaire et ce, en totale correspondance avec les exigences du Décret. « Nous fonctionnons par thème, explique l’animatrice. Cette année, autour du projet ‘Ca pousse, ça pousse dans nos têtes’, nous avons créé des bacs potagers, peints et garnis par les enfants, avant d’y planter des légumes. Un atelier cuisine permet ensuite de redécouvrir les saveurs et modes de préparation de ces ingrédients qui sont souvent de grandes inconnues pour les jeunes. Nous avons également proposé une animation autour de la découverte des jeux traditionnels et une approche critique de l’actualité. Tous nos projets vont dans le même sens : donner des outils pour découvrir, écouter les enfants, les inviter à éveiller leur esprit critique mais surtout réapprendre la confiance.  »

Un CEC, pour donner confiance

C’est précisément autour de cet objectif du « rendre confiance » que s’articule le projet du CEC de l’association. Façon originale de lutter contre l’exclusion, les ateliers créatifs proposés conjointement dans le cadre de la bibliothèque de rue et de l’école de devoirs, tentent, par le biais de l’expression artistique, de faire tomber des barrières, de valoriser l’audace, attitude souvent absente dans l’état de précarité. D’abord destinés aux enfants, ces ateliers ont grandi avec eux et ont débouché sur la mise en place d’ateliers pour un groupe ados et ensuite d’adultes. « Le CEC se veut un petit laboratoire, explique Sophie Baudoin, on n’est pas là pour faire du beau mais pour essayer des choses : mélanger des couleurs, des matières. Apprendre à oser, essayer, avancer sans peur de l’échec, en espérant que cette attitude puisse être transposée dans la vie de tous les jours. Et cela marche car, d’une année à l’autre, nous constatons des changements dans l’état d’esprit de certains jeunes. »

Des partenariats en second souffle

La mise en place de l’ensemble de ces projets ne serait pas réalisable sans le tissage de multiples collaborations. Parmi celles-ci, le lien étroit avec les écoles du quartier, le CPAS, le Centre PMS et l’implication d’une équipe très étoffée de bénévoles. Ils sont quarante à s’être engagés dans le projet de l’association. « C’est très riche, il y a aussi bien des personnes plus âgées que des jeunes qui viennent d’être formés dans le milieu de l’éducation, qui ont fait leur stage ici et souhaitent poursuivre en tant que bénévoles ». Enfin, le développement de ces projets de lectures d’envergure ne serait pas envisageable sans la collaboration étroite que l’asbl « Le Courant d’air » entretient avec la bibliothèque communale de Droixhe, partenaire incontournable si l’on envisage la quantité de livres nécessaire. " En effet, poursuit l’animatrice, nous avons la grande chance de disposer d’un prêt de livres régulier octroyé par la Ville qui nous fournit de très beaux albums. Le partenariat fonctionne d’ailleurs très bien puisque, de notre côté, nous veillons également à emmener notre public à la bibliothèque et, lorsque des activités ou animations sont organisées, nous en informons nos familles". Cette collaboration régulière s’inscrit également à travers le « Collectif Autour de l’étang » qui réunit les différents services publics et asbl de Droixhe et Bressoux et qui planifie des activités communes ponctuelles, carnaval de quartier ou journées thématiques telle la journée de la femme.

Une énergique rose des vents

Difficile de clore la présentation de cette association, un peu comme si les portes fermées ne faisaient pas, ici, partie du paysage… Car si nous devions tenter d’être exhaustifs, il nous faudrait encore énumérer les projets satellites : magasin de seconde main entièrement géré par les adultes en réinsertion sociale et professionnelle, organisation de camps nature pour les plus jeunes en juillet et édition d’un bulletin trimestriel ‘La feuille du Courant d’air’ : « C’est un médiateur très précieux, conclut l’animatrice. Il fait le lien avec les différents pans de notre structure mais surtout avec le quotidien des habitants du quartier dans un souci de valorisation et de reconnaissance de chacun. » Peut-on imaginer plus belle transition pour esquisser le dernier trait du portrait de cette association, énergique rose des vents, comme une invitation à oser prendre de nouvelles directions…

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ASBL « Le Courant d’air »
Rue du Ponçay, 87
4020 Liège
Tel. : 04/342.47.89
Email : courant.cda@gmail.com