Soutien au peuple ukrainien. Et chez nous, en bibliothèque ?

Publié le 8 avril 2022, par Sylvie Hendrickx


En ce mois de mars, alors que l’accueil de milliers de réfugiés ukrainiens s’organise dans notre pays avec des priorités évidentes de logement et de scolarisation, il est sans doute important pour les bibliothèques publiques de pouvoir se positionner au cœur de ce futur parcours d’intégration. Comment définir la juste façon de s’investir dans une perspective citoyenne et créatrice de lien social ? Pour prendre le pouls, notre association professionnelle s’est tournée vers les opérateurs d’appuis ainsi qu’un échantillon d’une vingtaine de bibliothèques réparties au sein des différentes provinces de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Un premier constat est très clair. L’ensemble des bibliothèques contactées nous ont répondus, se disent en demande de partage de projets pour nourrir leur motivation et, dans l’ensemble, affirment leur grand intérêt pour cette problématique. Néanmoins, vu le caractère récent de cette crise, certaines sont encore en attente de connaître les besoins et les demandes précis sur leur territoire mais également d’avoir des précisions sur la question du budget. Nous sommes néanmoins en mesure d’établir un premier petit tour d’horizon qui, malgré son caractère précoce, nourrira, nous l’espérons, cette mobilisaton.

Tout d’abord, concernant la mission d’information des usagers, de nombreuses bibliothèques se sont rapidement emparées de l’appel lancé par les structures européennes de bibliothécaires, et notamment l’IFLA, à se mobiliser pour une diffusion d’informations fiables sur le conflit. A l’image de la bibliothèque rurale de Trois-Ponts, qui invite chaque classe en visite à la bibliothèque à se pencher et échanger autour des cartes d’Europe centrale des grands atlas qui ont été mis en évidence aux côtés d’ouvrages informatifs sur la Russie et ses pays voisins.

Pour d’autres, la mobilisation actuelle prend la forme d’une aide matérielle concrète. C’est le cas, à la bibliothèque de Léglise qui, en tant que partenaire de la « Donnerie solidaire » présente dans ses locaux, tente d’apporter une aide au cas par cas aux familles hébergées dans la commune. De même à la bibliothèque-ludothèque de Braine-L’Alleud où l’équipe prépare activement des colis de livres et de jouets destinés aux deux centres d’accueil de réfugiés de leur territoire.

Mais la préoccupation principale des bibliothèques interrogées réside dans l’acquisition de livres en ukrainien ou en édition bilingue français-ukrainien et ce, dans une démarche d’anticipation ou en vue de répondre à une demande déjà bien réelle, essentiellement de la part des écoles. C’est le cas notamment à Chaudfontaine où le réseau des bibliothèques, en lien avec une coordinatrice enseignante, s’apprête à fournir aux écoles des albums et BD "tout en images" ainsi que des albums bilingues. Cependant, plusieurs bibliothèques soulèvent leur difficulté à se procurer ce type d’ouvrages en langue étrangère via leurs marchés publics. Et certains opérateurs d’appuis se sont d’ores et déjà emparés de la problématique.

Ainsi, la Bibliothèque Centrale de la province de Luxembourg a acquis récemment des livres en ukrainien afin de les répartir chez ses 22 opérateurs directs. La Bibliothèque Chiroux, quant à elle, prête son lot « tout en images » aux bibliothèques de son réseau et a souhaité faciliter leurs éventuelles acquisitions en leur fournissant une importante liste d’orientations bibliographiques, établie grâce à la collaboration des différentes bibliothèques et comprenant des albums, des dictionnaires illustrés bilingues mais aussi des manuels et des ressources numériques. Parmi ces dernières, le portail Mabibli.be donne accès, via l’identifiant des abonnés au réseau des bibliothèques liégeoises, à la plateforme Skilleos qui propose des cours de français pour les apprenants ukrainiens. Enfin, la Bibliothèque Chiroux analyse l’opportunité de mettre en place une permanence administrative adaptée. La démarche est relativement similaire du côté de l’Opérateur d’appui de la province de Hainaut qui met sa collection FLE à disposition de ses opérateurs directs et prospecte, lui aussi, pour l’achat de dictionnaires pour adultes, guides de conversation et albums pour enfants... Cet opérateur d’appui a également sollicité la Fédération Wallonie-Bruxelles afin que l’offre numérique de Lirtuel puisse être adaptée.

Enfin, les initiatives des opérateurs d’appui s’orientent également vers le développement d’animations. Ainsi, l’Opérateur d’appui de la province de Namur vient d’initier un partenariat avec un comédien qui prépare un petit spectacle dont le cachet sera reversé à un organisme d’aide aux réfugiés ukrainiens. Dans ce cadre, l’opérateur d’appui va sélectionner des livres d’auteurs ukrainiens traduits en français, en lire, en choisir et suggérer au comédien des passages à intégrer dans son spectacle, lequel sera ensuite disponible dans des petits lieux comme, entre autres, les bibliothèques. Une démarche riche en ouverture culturelle que l’on retrouve dans les projets de la Bibliothèque Centrale du Brabant Wallon. En effet, outre l’achat de livres en ukrainien, celle-ci envisage la coordination d’animations sous forme d’heures du conte bilingues. Ce projet, déposé par la bibliothécaire-animatrice Marie Lequeux, qui doit être discuté avec l’ensemble des opérateurs d’appui et vaincre certains obstacles organisationnels, vise deux objectifs principaux : permettre aux enfants ukrainiens comme à leurs parents de garder un lien avec leur langue maternelle et leur culture et créer ce lien social si essentiel à toute intégration. Cette piste d’animation rejoint, en cela, la préoccupation de certaines bibliothèques interrogées qui, sans avoir eu à ce stade l’occasion de mettre en place des projets concrets, envisagent la possibilité de proposer des animations autour d’albums « tout en images » ou de jeux de société aux règles très simples que ce soit au sein de la bibliothèque ou dans les centres d’accueil.

On le voit en regard de ce premier tour d’horizon en bibliothèques publiques, une mobilisation est bel et bien en route, soutenue par un début de coordination de la part des opérateurs d’appui. La fibbc reste bien entendu attentive à cette dynamique amorcée ainsi qu’à la demande, émanant de l’ensemble des bibliothèques contactées, d’être informées des éventuelles actions menées par d’autres. Ainsi, dans une perspective de mutualisation, nous invitons les bibliothèques qui mettent en place des projets en faveur de l’accueil des réfugiés à nous faire part de leurs différentes initiatives, via le formulaire disponible sur notre site internet fibbc.be.

Enfin, en matière d’initiative, notre association de bibliothécaires souhaite également se faire le relais de l’appel aux dons de Bibliothèque sans frontières qui a établi un très concret plan d’actions et de besoins financiers « Urgence Ukraine » consultable sur le site www.bibliosansfrontieres.org

La fibbc vous invite, dans une perspective de mutualisation, à partager vos projets en lien avec l’intégration des réfugiés ukrainiens dans vos bibliothèques, via le formulaire "Soutien aux ukrainiens" que vous découvrirez sur notre page d’accueil.