La Bibliothécaire d’Auschwitz

Publié le 7 octobre 2021, par Sylvie Hendrickx


Un récit bouleversant de résistance par les livres

ITURBE Antonio, La Bibliothécaire d’Auschwitz, J’ai lu, 2021

En 1944, dans le bloc 31 d’un camp regroupant les familles à Auschwitz-Birkenau, une poignée de prisonniers ont risqué leur vie pour faire exister une école secrète dotée d’une minuscule bibliothèque clandestine. Composée de huit modestes livres aussi disparates qu’un atlas aux pages manquantes, une grammaire russe ou encore un roman français, cette bibliothèque a fait rêver, instruit et surtout offert un semblant de normalité à près de 500 enfants rassemblés autour d’un éducateur juif visionnaire, Freddy Hirsch. Parmi ces enfants, Dita Kraus, une jeune fille tchèque de 14 ans, a accepté la dangereuse mission de veiller sur ces ouvrages. Dotée d’une évidente force de caractère, elle est devenue « la bibliothécaire d’Auschwitz ».

Ce roman de l’écrivain Antonio Iturbe, rédacteur en chef de plusieurs magazines culturels et littéraires espagnols, relate cet épisode de résistance méconnu sur base d’une véritable enquête journalistique et des souvenirs que Dita Kraus, elle-même, lui a partagés. A travers le destin et le regard de Dita, rebaptisée Edita Adlerova, pour assumer la part de fiction qui cimente ici les faits réels, l’auteur nous plonge dans une reconstitution sans concession de l’atmosphère des camps. Nous y suivons le quotidien, mêlé de drames et d’espoirs, d’individus déterminés qui dressent, face à la menace latente de la mort, la fragile lumière d’un projet éducatif et humain. Ces pages nous emportent également dans l’angoisse qui sous-tend toute la trame de ce récit : quel est le projet des nazis concernant les protagonistes et les 12 000 juifs qui occupent cet étrange « camp familial », bâti à quelques kilomètres à peine du camp d’extermination ?

Au cœur de l’abomination et de la déshumanisation la plus barbare et la plus radicale, décrite jusque dans ses plus sombres détails, le récit bouleversant de cette résistance utopique semble à la fois dérisoire et terriblement essentiel : témoin salutaire de notre irréductible humanité.