Le regard de Guy Marchal, bibliothécaire responsable au CMM Don Bosco à Liège et représentant de la FIBBC au sein du PILEn

Rencontre en reconfinement, 15 décembre 2020

Publié le 17 décembre 2020, par Françoise Vanesse


Cette période de reconfinement s’ancre dans un contexte particulièrement difficile pour les secteurs culturels et associatifs. Très heureusement, les librairies et les bibliothèques, considérées comme des services essentiels, permettent à une partie du secteur, déjà fort fragilisé lors de la première vague, de peu à peu se redéployer. Des observateurs originaires de la sphère du livre et de l’associatif ont très aimablement répondu à notre invitation et ont accepté de s’exprimer sur ce contexte particulier, vecteur de fragilités mais également de positives initiatives.

F.V. On constate, au niveau de ce deuxième confinement, une attention particulière au secteur du livre avec l’ouverture des librairies et des bibliothèques. Une réjouissante avancée qui reflète l’importante vitalité d’un secteur désormais reconnu comme essentiel et que nous envient d’ailleurs nos voisins français …

G.M. Il est parfois un peu délicat de déterminer ce qui est essentiel, ou l’est moins … Chacune et chacun a ses priorités, mais il est clair que nous défendons ardemment l’idée que le monde de la culture, et celui du livre en particulier, ne doivent pas être oubliés ni traités comme secondaires. Bien des usagers de nos bibliothèques, amenées à fonctionner de trop longues semaines durant avec le système du ‘take away’, nous ont fait savoir combien l’accès au livre et à la possibilité de choisir celui-ci dans des lieux appropriés où le conseil personnalisé est de mise, leur avait – parfois cruellement – manqué. Nous nous réjouissons en effet que les bibliothèques publiques et les librairies AMLI aient pu continuer tant bien que mal à poursuivre certaines activités dans notre pays, et sommes solidaires avec nos collègues français.

F.V. Une autre initiative réjouissante est celle prise récemment par le Partenariat interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique ( PILEn) qui vient de lancer une campagne de mobilisation autour de la littérature belge, ses écrivains et ses illustrateurs…

G.M. La crise sanitaire du Covid-19 a – on le sait – eu des conséquences fâcheuses dans bien des domaines de la vie des gens (sociale, financière, psychologique …), mais aussi des associations, organismes et institutions, en ce compris dans le secteur culturel, plus particulièrement celui du livre et des métiers liés. Le PILEn a donc décidé unanimement d’impulser une relance de la ‘chaîne du livre’, englobant auteurs et illustrateurs, éditeurs, libraires et, bien sûr, bibliothécaires. Pas mal d’activités ont été ralenties, voire mises provisoirement à l’arrêt ; des manques à gagner importants se sont additionnés au fil des mois et la situation nécessitait des actions fortes, ce qui a abouti à cette campagne de mobilisation de tout le secteur.
Permettre aux auteurs et illustrateurs de faire connaître et diffuser leurs créations récentes, soutenir les éditeurs et les libraires, mieux valoriser le travail de fond des bibliothécaires … les objectifs de cette campagne qui allie communication et investissements sont nombreux.
Le slogan retenu est "Lisez-vous le belge ?" (hashtag #LisezVousLeBelge) et les médias (presse écrite, radio et télévisée) ont bien embrayé ; la littérature belge francophone est parfois mal connue, ou traîne une réputation volontiers infondée d’élitisme : cette opération vise également à promouvoir nos écrivains, nos éditeurs, nos libraires de qualité et les bibliothèques publiques, ces dernières continuant à répondre annuellement aux attentes de près d’un million de Belges francophones qui les fréquentent.
Des achats massifs de livres belges (auteur ou éditeur) parus en 2019 et 2020, par les bibliothèques et des collectivités à but social ont été, avec le soutien des pouvoirs publics, décrétés : 2 x 100 000 € sont dépensés durant ces mois de novembre et décembre 2020 !

F.V. Depuis maintenant 3 ans, la FIBBC est associée à différents partenaires au sein du PILEn. Ces partenaires, quels sont-ils ?

G.M. Le Partenariat interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique (en abrégé, PILEn) a vu le jour en 2012, mais ce n’est qu’en 2017, après avoir insisté en ce sens, que les bibliothécaires l’ont rejoint : l’APBFB et la FIBBC y sont représentées respectivement par Françoise Dury et Guy Marchal.
Au PILEn se côtoient et collaborent très volontiers les principaux métiers de la chaîne du livre : bibliothécaires donc, auteurs et illustrateurs, éditeurs, libraires. L’objectif premier est de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement pour les différents acteurs et actrices de la chaîne du livre, à travers les mutations technologiques, professionnelles et commerciales. Au-delà des rencontres et échanges réguliers entre ses membres, le PILEn organise des formations, des colloques, réalise des études de marché, participe à divers évènements liés au livre … et, tout en gardant son indépendance, est en interaction avec les autorités politiques concernées. Il soutient et promeut les initiatives des partenaires qui le composent, en Fédération Wallonie-Bruxelles comme dans les régions, voire dans l’ensemble de la Francophonie. Il est en charge du portail www.prixdulivre.be. À l’évidence, le PILEn voit son rôle croître au fil des années dans l’ensemble de l’Action territoriale, et auprès des pouvoirs publics ainsi que des partenaires qui le composent.

F.V. Quelle est votre mission plus spécifique au sein de cet important ensemble de différents partenaires et de ses ambitieux objectifs ?

G.M. Il est fondamental que bibliothécaires et bibliothèques soient de la partie. La FIBBC désire que leurs voix soient entendues, quels que soient le type et/ou la taille des opérateurs concernés. Les bibliothèques publiques sont un maillon essentiel de la chaîne du livre, qui ne se limite pas aux aspects commerciaux ; leur rôle de médiateur culturel, d’initiateur, est crucial et les défis à relever en ces temps compliqués (digitalisation, communication modernisée, lutte contre les fractures sociale et numérique, mais également la promotion des lettres belges francophones) sont nombreux. Les actions de formation organisées par le PILEn se tournent aussi vers les bibliothécaires, ce que promeut notre fédération. Il importe que la parole des bibliothèques et des bibliothécaires soit relayée avec régularité au sein d’une instance de ce type, au rayonnement étendu à l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles et activement présente au Conseil du Livre. La FIBBC tisse des liens de confiance et utiles avec ses partenaires et s’implique dans les projets de cet organisme.

F.V. Quels sont quelques-uns des projets que vous avez envie de partager ?

G.M. Notre fédération est sensible aux initiatives visant à rapprocher les lecteurs du livre, celles qui ont pour vocation de favoriser l’inclusion et la participation de publics parfois éloignés ou même ‘empêchés’. Les projets du PILEn sont multiples et divers ; la FIBBC soutient plus particulièrement encore la facilitation pour les professionnels d’accéder aux données et métadonnées. Elle est bien sûr partie prenante des actions de relance de la chaîne du livre en ces temps de crise sanitaire. Elle porte une grande attention aux structures de plus petite taille, volontiers limitées financièrement ou techniquement. Enfin, la FIBBC s’investit dans les partenariats permettant à chacune et à chacun de faire vivre le livre, de produire, créer et s’exprimer. De l’ouvrage pour les tout jeunes à la littérature originale, en passant par le jeu vidéo, la bande dessinée ou l’édition numérique, nombreux sont les champs où donner à voir, comprendre, échanger, faire vivre la démocratie et la revivifier.