Regards croisés sur de la plume au pinceau

La jeune mariée juive

Publié le 5 novembre 2007, par Gérard Durieux


A partir d’une mystérieuse peinture de Rembrandt, Guarneri nous invite à découvrir un intriguant parcours sillonné d’étranges parallèles entre deux histoires d’amour...

GUARNERI Luigi, La jeune mariée juive, Actes Sud, 2007

Dans ce nouveau roman tout aussi intelligent, GUARNERI se penche sur une autre énigme liée cette fois à une des dernières œuvres inachevées de REMBRANDT : « La fiancée juive » devenue « La jeune mariée juive ».

Qui donc est ce couple bouleversant noyé d’obscurité ? On dit que VAN GOGH aurait admiré durant une semaine entière cet émouvant tableau exposé au Ryksmuseum.

Autour de ce mystère, GUARNERI construit un roman en échos, en miroir a-t-on écrit.
Les lieux, les personnages, les époques s’enlacent à travers deux histoires d’amour désespérées, que le tableau semble symboliser entre elles.

A Amsterdam vers 1660, l’amour impossible entre Ephraïm Paradies, médecin juif et ami du peintre, avec Abigaïl Lopez da Costa qu’il soigne pour d’inquiétants troubles hystériques.

A Paris, en 1987, Léo, jeune italien, écrivain raté à la recherche d’un sujet de roman, croise douloureusement la vie de Rebecca. Lointaine descendante d’Abigaïl elle prépare une thèse en histoire de l’art sur « La fiancée juive ». Follement amoureuse de Léo, elle sombre dans la schizophrénie quand le narcissique écrivaillon la quitte en emportant les notes de son travail.

Deux histoires apparemment parallèles. Mais l’auteur tisse entre elles de si abondantes et déroutantes correspondances qu’on se prend au jeu envoûtant des questions ?

Une histoire sauve-t-elle l’autre ? Et l’écrivain lui-même, de quelle blessure cherche-t-il ici à guérir ? Au cœur de cette mise en abyme, que nous confie donc cette peinture « à la fois spirituelle et intime, impénétrable et monumentale » ?...

Car si ce roman séduit par l’évocation de personnages intenses, celle aussi d’un 17°siècle d’une impressionnante richesse culturelle et religieuse, il nous touche surtout par les pages sensibles, fines d’analyse, lumineuses de justesse sur l’œuvre du grand peintre hollandais. Lui qui sut exprimer avec force et tendresse le mystère des êtres, à travers ses scènes d’ombres et de lumière.
VAN GOGH l’avait pressenti : ce tableau ouvre une brèche d’espérance en ce geste de délicatesse affectueuse. Oeuvre inachevée : ouverte à tous les accomplissements, à toutes les rédemptions à venir, nous assure GUARNERI.

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