Regards croisés sur... Nos coups de coeur

La grand-mère de Jade

Publié le 22 novembre 2010, par Gérard Durieux


Un beau texte à l’écriture classique qui porte en fait une subtile interrogation sur les aléas de la création littéraire et les pouvoirs de la fiction.

DEGHELT Frédérique, La grand-mère de Jade, Actes Sud, 2009.

Mamoune est veuve depuis trois ans. Octogénaire adorable, malicieuse et secrète, elle vit seule dans son village savoyard. A la suite d’un malaise, ses filles décident de la placer dans une maison médicalisée. Jade sa nièce, la trentaine, impulsive et alerte journaliste mais amoureuse tâtonnante, décide de l’enlever et de l’accueillir dans son appartement parisien, contre l’avis de ses tantes.
Se tisse alors une relation nouvelle entre ces deux femmes si différentes. Au fil de leur vie désormais commune, les confidences, les rencontres, des événements souvent inattendus les amènent à se découvrir, à s’épauler, se soutenir, s’interpeller, s’agacer... Bref, à s’aimer en vérité.

Cette belle histoire de connivence et de tendresse nous emmène apparemment sans heurt et sans mièvrerie sur les chemins de la rencontre entre générations, à contempler la vieillesse comme accomplissement de soi à travers l’esquisse « délicieuse » et un peu bavarde d’une vieille dame insupportable de jeunesse.

Mais ce texte à l’écriture classique porte en fait une subtile interrogation sur les aléas de la création littéraire et les pouvoirs de la fiction. Car Mamoune, que l’on croyait n’être qu’une montagnarde vouée aux siens corps et âme et résignée à son jardin, se révèle capable, astucieuse et amoureuse lectrice qu’elle est en réalité, d’aider sa petite-fille à écrire le roman qui la hante. Cependant, pour les lecteurs naïfs ou indolents que nous sommes parfois, la vraie surprise romanesque est ailleurs. Chutttt !

Gérard Durieux