Des bibliothèques publiques, en temps de crise, luxe inutile ou outil de soutien indispensable ?


L’austérité économique et financière que nous traversons menace de partout.
La presse nous relate chaque semaine le drame vécu par les travailleurs d’entreprises qui mettent la clef sous le paillasson et délocalisent malgré des bénéfices importants. Les pouvoirs publics, quant à eux, incapables d’intervenir face aux grands groupes mondiaux, sont, sans arrêt, à la recherche de moyens financiers nouveaux pour assurer la gestion du pays, mais cette quête de plusieurs milliards par an ne peut se faire qu’en accentuant la pression financière sur les contribuables. Le déséquilibre de plus en plus fréquent entre les ressources de chacun et le coût de la vie qui ne cesse d’augmenter fait basculer individus et familles dans la précarité. Les asbl dans le non-marchand (pourtant porteur de nombreux emplois et offrant de nombreux services) ne sont pas soutenues de la même manière que les entreprises commerciales. Ainsi le rejet de nos asbl des mesures en faveur de l’emploi conclu entre le gouvernement fédéral et le secteur marchand il y a un mois constitue une belle illustration de cette affirmation.

Chez nos voisins, on ferme des bibliothèques pour des raisons financières. La Culture n’est plus une priorité et on sabre sans ménagement dans les budgets. Ainsi, en Angleterre, 300 des 4.000 bibliothèques du pays ont été contraintes de fermer l’année dernière. A Newcastle, le conseil municipal de cette cité anglaise, vient de décider ce 13 mars 2013, de fermer dix bibliothèques en réduisant de moitié ses subventions en matière culturelle avec comme justification la crise qui frappe le pays de plein fouet. En Grèce, dans les bibliothèques, un départ sur cinq à la pension est remplacé et le salaire des bibliothécaires toujours en poste est réduit de 40%. Aux Pays-Bas, la baisse de budget de 10% vient d’avoir pour conséquences qu’une ville comme La Haye vient de fermer, en février 2013, huit de ses dix-huit bibliothèques. Aux USA, un plan qui devrait être adopté en juin 2013 prévoit à New-York près de 900 licenciements dans les bibliothèques et une réduction drastique des services. C’est tout l’inverse de la décision du ministre de l’Alberta (Canada) qui, lui, a pris la décision d’augmenter les budgets de la Lecture publique en se justifiant par les études faites montrant « … qu’en temps de difficultés économiques, les gens se tournent vers et dépendent des bibliothèques… ».
La revue « Newsweek » publiait, il y a quelques années, le témoignage de la bibliothécaire de Southfield au nord de Detroit. Elle nous apprenait qu’en ces temps de crise sa bibliothèque s’est peu à peu transformée en centre de conseils. Les usagers ne venaient plus tellement pour la littérature mais pour trouver à la bibliothèque des plans pour sortir de la crise et que les PC de sa bibliothèque étaient régulièrement saturés de demandes. Elle concluait par un revigorant : « … Tant qu’il y aura des bibliothèques, il y aura toujours de l’espoir… »

Il est difficile d’énoncer des arguments imparables permettant de défendre la nécessité de l’existence des bibliothèques dans une période de crise même si le travail que nous menons est ressenti par la population comme très important car, pour elle, l’accès au livre devient difficile en période de récession financière et elle perçoit que les bibliothèques rajoutent de la valeur ajoutée au simple média emprunté pour ceux qui franchissent leurs portes.
La bibliothèque est un outil d’intégration sociale important et c’est vers tous les publics, y compris les plus démunis, qu’elle doit mener son action. Elle doit contribuer à retisser du lien social pour les usagers en difficulté, victimes d’exclusion et de précarité. Elle doit veiller à être davantage en prise avec les réalités sociales de la cité dans laquelle elle s’inscrit pour mieux partager les savoirs et combler les fossés entre info-pauvres et info-riches.
Malheureusement, les bibliothèques ne pourront réaliser ce travail sans investissement financier de la collectivité. Il faut mettre en place une solidarité des moyens et des actions entre tous les partenaires, de droit public et de droit privé. Le coût de ces actions de terrain en bibliothèques a explosé. Il faut de nouveaux soutiens aux actions menées par les bibliothèques et une simplification des procédures administratives. L’accès à la culture ne peut pas être porté en grande partie par celui qui organise ce service de proximité : c’est un choix politique pour une collectivité qui doit être facilité au plus haut niveau.

Jean-Michel DEFAWE
Président