Publié le 31 mars, par
Écrivaine et sociologue française, Kaoutar Harchi livre ici un essai puissant, au ton de pamphlet, dirigé contre l’impérialisme occidental et son héritage de hiérarchisation des espèces dont elle analyse les conséquences désastreuses. D’une écriture qui allie force narrative et rigueur sociologique, Kaoutar Harchi éclaire ainsi la manière dont l’Occident a façonné la notion d’animalité, en établissant une frontière prétendument infranchissable avec l’humain. Elle retrace les racines historiques et philosophiques de cette construction, nourrie par le dualisme culture/nature et par l’exclusion de l’animalité, considérée comme indigne. Mais sa thèse édifiante va plus loin et démontre comment ce schéma de pensée, qui autorise la domination sur les animaux, a servi à justifier, à travers les siècles, l’animalisation de certains humains par d’autres. Du colonialisme aux totalitarismes, en passant par diverses formes de patriarcat, l’essai dresse un tableau glaçant de la manière dont l’animalisation est devenue un outil d’oppression. S’appuyant sur de nombreux exemples, de la controverse de Valladolid (1550-1551) à la propagande nazie et jusqu’aux conflits en cours (son livre étant dédié à la Palestine), elle met en évidence les mécanismes linguistiques et symboliques utilisés pour justifier ces dominations — métaphores animales, bestiaires guerriers et coloniaux, répertoires d’insultes — qui conduisent à effacer progressivement la frontière morale entre le traitement infligé aux animaux et aux humains jugés « inférieurs ». Enfin, dans cet impressionnant panorama historique, Kaoutar Harchi analyse l’avènement de la défense de la cause animale en tant que revendication profondément liée aux luttes féministes, anticoloniales et prolétaires. Ainsi, à travers cet essai richement documenté qui puise également dans son parcours personnel — notamment l’animalisation de son identité musulmane—, Kaoutar Harchi illustre avec conviction une violence structurelle de l’histoire de nos sociétés et plaide l’urgence de repenser notre rapport à l’animal en tant qu’individu. Pour elle, seule la disparition de la logique d’infériorisation des animaux permettra de mettre fin à l’empilement des dominations et d’ouvrir un nouveau champ des possibles, embrassant l’ensemble des luttes pour plus de justices sociales. Un essai saisissant, radical et nécessaire.
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