Avec Françoise Dury, Présidente de l’APBFB

Publié le 3 octobre 2018, par Sylvie Hendrickx


Active depuis 1975 pour fédérer et représenter le secteur des bibliothèques aux côtés, notamment, de la FIBBC, l’APBD a connu cette année un nouveau jalon de son histoire en devenant l’APBFB, Association des Professionnels des Bibliothèques Francophones Belges. Un changement d’appellation qui résulte d’une réflexion profonde autour de ses missions, en correspondance avec les exigences décrétales, et qui témoigne, une fois encore, du dynamisme de cette association et de ses membres. A cette occasion, nous donnons la parole à sa Présidente, Françoise Dury qui, pour faire face aux multiples défis de notre secteur, est toujours prête à donner l’impulsion, maintenir le souffle et susciter la mobilisation.

Défis et impulsion

S.H. En mai dernier, l’APBD est officiellement devenue l’APBFB (Association des Professionnels des Bibliothèques Francophones Belges). En quoi ce changement d’appellation reflète-t-il un repositionnement significatif de votre association ?

F.D. Aujourd’hui, toute une série de professionnels gravitent en bibliothèque : les bibliothécaires bien sûr mais aussi des animateurs, des informaticiens, des administratifs,… Et nous nous sommes rendu compte que ces différents profils ne se sentaient pas tous habilités à faire partie d’une association professionnelle de bibliothécaires. Par notre changement d’appellation, notre volonté est de dire clairement à tous ces professionnels que leurs différentes missions sont importantes et qu’ils ont leur place au sein d’une association telle que la nôtre.

S.H. Et qu’en est-il des documentalistes dont votre nouvelle appellation ne fait plus explicitement mention ?

F.D. En 1975, notre association a en effet été créée en tant qu’association de bibliothécaires et de documentalistes. Cependant, nous avons constaté la disparition progressive de ces derniers dans la liste de nos membres à tel point qu’ils n’en représentent plus à l’heure actuelle que 5%. Je pense qu’au fil du temps, bibliothécaires et documentalistes, tout en ayant une formation commune, ont vu leurs réalités de travail s’éloigner. Dans un tel contexte, il devenait difficile pour notre association de répondre aux attentes spécifiques des documentalistes, d’autant plus qu’il existe une autre association professionnelle, l’Association Belge de Documentation, qui s’y consacre. J’insiste néanmoins sur le fait que ce changement d’appellation n’a pas un caractère d’exclusion mais bien d’ouverture et ce, à l’ensemble des professionnels des bibliothèques.

S.H. Votre nouveau nom vous positionne également plus clairement en tant qu’association francophone de Belgique.

F.D. En effet, la volonté d’améliorer notre communication et notre visibilité au niveau international constitue la seconde raison de notre changement de nom. Nous avons de nombreux contacts, qui nous paraissent primordiaux, avec des associations françaises et internationales et notamment l’ABF et l’IFLA. Ils débouchent en effet sur de nombreux échanges d’idées et permettent un certain recul car on se rend compte que l’évolution du métier et ses difficultés sont finalement les mêmes partout en Europe.

S.H. Un tel changement n’est jamais facile à opérer d’autant plus que la dénomination APBD était bien ancrée dans le paysage de la Lecture publique depuis plus de 40 ans. Comment ce souhait a-t-il été vécu par vos membres ?

F.D. La réflexion autour de ce changement de nom est issue de l’important travail que notre association a mené l’année dernière en termes d’évaluation de nos actions et de nos partenariats. Cette décision a été prise par notre Conseil d’Administration composé de 18 personnes émanant toutes du monde des bibliothèques mais le choix final du nom est revenu quant à lui à notre Assemblée Générale et donc au vote de nos membres eux-mêmes.

S.H. De manière plus générale, quels sont, selon vous, les raisons d’être et les objectifs primordiaux d’une association professionnelle de bibliothécaires ?

F.D. Je dirais qu’il s’agit avant tout de fédérer pour faire face, avec plus de poids et d’efficacité, à tous les défis de notre secteur, que ceux-ci soient liés à l’évolution importante de nos métiers comme aux difficultés financières et politiques qui sont apparues ces dernières années.

S.H. Quels sont les partenariats que vous privilégiez pour mener à bien vos missions ?

F.D. Outre la FIBBC qui est, de manière naturelle, notre premier partenaire, je citerais un autre partenariat qui est ressorti de notre évaluation : la plateforme socioculturelle. Celle-ci regroupe toutes les associations qui font du socioculturel en Belgique francophone et qui ont finalement un peu de leur cœur de métier en commun : fédérations de centres culturels, de centres d’expression et de créativité, de musées, de centres d’archives, de programmateurs de spectacles, d’associations d’éducation permanente… En facilitant les collaborations entre ces acteurs socioculturels de plus en plus nombreux, cette plateforme est source de synergies nouvelles très porteuses.

S.H. Quelles sont les motivations qui vous ont amené à vous présenter au poste de Présidente de l’association en 2012 ?

F.D. J’étais administratrice de l’association depuis un certain nombre d’années lorsque l’on m’a proposé la présidence. Sachant que j’allais pouvoir m’appuyer sur des vice-présidents dont j’appréciais les qualités, consciente qu’il fallait pourvoir à ce poste et que les candidats étaient rares, je me suis lancée ! C’est ensuite lors de la réflexion autour de notre premier POAP, Plan des Objectifs d’Action et de Programmation, que j’ai pu apporter ma touche personnelle en orientant le travail de l’association vers trois pôles essentiels : la formation, l’information et la communication. La défense politique du secteur a pris, quant à elle, une ampleur que je ne soupçonnais pas au début de mon mandat. Notre nouveau POAP met également en avant la notion d’advocacy.

S.H. De quoi s’agit-il ?

F.D. Cette notion reflète la nécessité pour les bibliothécaires de donner de la visibilité à leurs institutions et à leurs actions. Par ce projet, nous souhaitons les aider à prendre conscience que leur travail est important et mérite d’être valorisé auprès de leurs collègues, de leur cercle de partenaires, de leurs usagers et, évidemment, de tous les décideurs et de l’opinion publique.

S.H. De manière générale, on remarque au sein de votre association une importante réflexion menée autour de la communication. Vous pouvez d’ailleurs compter sur une collaboratrice formée à cette mission...

F.D. Nous avons en effet la chance de pouvoir compter sur notre coordinatrice Allyn-Ann Biseau. Ses compétences dans le domaine de la communication nous sont précieuses et viennent compléter les compétences de bibliothécaires dont dispose déjà notre Conseil d’Administration.

S.H. Votre propre parcours professionnel reflète également une grande ouverture ?

F.D. En effet, j’ai fait en quelque sorte le tour de la chaîne du livre ! Je suis arrivée en bibliothèque en 2000 et, avant cela, j’ai été libraire puis éditrice dans l’édition scolaire et universitaire. Ce parcours varié et enrichissant fait que je me sens à l’aise lorsque je représente le secteur des bibliothèques aux côtés d’autres professionnels de la chaîne du livre comme au sein du PILEn par exemple.

S.H. Actuellement, vous occupez le poste de Bibliothécaire en chef de la Bibliothèque centrale et itinérante de la Province de Namur. Comment vivez-vous cette double fonction mobilisante ?

F.D. J’ai la grande chance de pouvoir disposer, de la part de ma direction à la Province, d’une indispensable flexibilité dans cette gestion et je fais en sorte que l’essentiel de ces deux fonctions tiennent dans mes trente-huit heures/semaines. Mon poste de Présidente de l’APBFB constitue, par ailleurs, une bouffée d’oxygène car le C.A de l’APBFB permet de fonctionner entre pairs, sans pesanteur hiérarchique, pour déboucher sur une vraie décision collégiale. Travailler de cette manière me plait énormément !

S.H. De manière générale, qu’est-ce qui vous enthousiasme dans le métier de bibliothécaire ?

F.D. Je suis responsable d’une bibliothèque d’appui, c’est évidemment un peu particulier puisque je n’ai de contact ni avec le public ni même avec les livres ! Mon travail consiste essentiellement en gestion. C’est décourageant certains jours car ce n’est pas forcément ce dont on rêve lorsqu’on choisit d’être bibliothécaire. Au milieu de cela, ce que j’appelle mon « carburant », ce sont les réunions avec les bibliothèques locales du territoire qui ont lieu toutes les six semaines. C’est là que transparaissent tous les besoins du terrain et tout ce à quoi on peut venir en appui. Voilà le véritable sens de mon travail ! Avec un cap inatteignable mais vers lequel on s’efforce de tendre malgré tout : la lecture pour tous.

S.H. La position de Présidente d’une association qui représente et défend un secteur est exigeante. Quelles qualités devez-vous déployer pour mener à bien vos missions ?

F.D. Je pense qu’il faut avant tout une bonne faculté d’écoute et de compréhension. De la persévérance aussi. Et puis la volonté de faire bouger les choses mais tout en restant modeste. Dans les négociations politiques par exemple, il faut rester conscient qu’on n’obtiendra pas tout ce qu’on veut. Une certaine stratégie posée, mesurée, permet de se battre pour des priorités. Une fois encore, je pense que le fait de fonctionner collégialement est important.

S.H. Que pensez-vous du décret de 2009 relatif au développement des pratiques de lecture ?

F.D. Beaucoup de bien. Je pense qu’il s’agit, à la base, d’un décret très positif qui donne un souffle nouveau à nos institutions. Malheureusement les promesses non tenues concernant le système des reconnaissances créent une forme de Lecture publique à deux vitesses. Cela apparait particulièrement dommageable alors que la grande force de la Lecture publique en Belgique francophone réside justement dans le travail en réseau : nous avons des catalogues collectifs, nous sommes en réseau sur les territoires, en associations, entre bibliothèques d’appui… C’est formidable et ce n’est pas autant le cas en France, par exemple. Mais pour continuer d’avancer dans cette voie, les bibliothèques ont besoin d’être sur le même pied d’égalité et reconnues de la même façon !

S.H. Et concernant le Prix unique du livre ?

F.D. Je fais partie du Comité d’accompagnement du récent décret sur la politique culturelle du livre et, personnellement, j’y suis très favorable. Bien sûr, tous les points de ce décret n’apparaissent pas nécessairement réjouissants pour les bibliothèques puisque le montant des remises auxquelles elles peuvent prétendre se voit lui aussi bloqué. Mais il faut tenir compte de la disparition de la tabelle qui vient équilibrer l’équation financière. Par ailleurs, il me semble important que l’ensemble de la chaîne du livre se soutienne.

S.H. D’autres perspectives pour l’APBFB ?

F.D. En septembre, l’APBFB déménage et quitte son bureau de la rue Henri Lemaître pour la maison Mundo-N, située derrière la gare de Namur. Cette maison rassemble sous un même toit les bureaux de nombreuses organisations actives dans le secteur environnemental, social et culturel. Elle est en outre équipée de salles de réunions et de formations. Encore de belles synergies en perspective !

Namur, juin 2018

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Les coups de cœurs artistiques de Françoise Dury