Elephant Island

Publié le 5 janvier 2017, par Sylvie Hendrickx


L’itinéraire d’un enfant rêveur et courageux confronté à la terrible réalité des pensionnats de l’entre-deux-guerres

BABA Luc, Elephant Island, Belfond, 2016

Dans ce quatorzième roman, Luc Baba explore à nouveau le thème de l’enfance, central dans son œuvre depuis son premier roman La Cage aux cris. Cette fois, c’est à une réalité sombre et moins connue de la période de l’entre-deux-guerres que l’auteur liégeois s’attèle en relatant la problématique des enfants placés. En 1917, Petit Louis a sept ans lorsque son père meurt au front. Sa mère, démunie, le confie « aux bons soins » de l’orphelinat pour garçons du Vertbois, ancien hospice liégeois que l’auteur dépeint avec une importante rigueur historique. Commence alors dans cet univers clos et rétréci, un quotidien austère et violent, entre brimades injustes et amitiés rares mais parfois heureusement lumineuses. Pourtant, envers et contre tout, Louis grandit, tend à l’audace, la construction de soi par la révolte et l’opposition. « Dans ma tête, une toute petite chambre s’était ouverte que je meublais d’images anciennes […] Je dessinais des bateaux quand il fallait écrire, j’écrivais quand il fallait compter, je rêvais quand il fallait courir. » Car son enfance meurtrie se nourrit de rêves de voyages lointains à bord de bateaux contemplés depuis les rives de la Meuse. La destination particulière d’Elephant Island, île sauvage de l’Antarctique, cristallise ce désir d’aventures tout en étant la parfaite métaphore de l’expérience glaciale qu’il lui faut surmonter au pensionnat. Luc Baba livre ici, dans une langue à la fois familière et poétique, le récit poignant d’une enfance sacrifiée et sauvée, à grand peine, par la force du rêve et de l’écriture.